2/20/2006

Du chemin sans toi, j'en ai déjà fait

Ça vous est peut-être aussi arrivé, cette sensation. Rencontrer quelqu'un (je vais utiliser le féminin parce qu'en ce qui me concerne c'est plus souvent quelqu'une), s'entendre à merveille avec elle, être tout simplement bien en sa présence... ...mais ressentir soudain une sorte de fossé lorsqu'elle parle de sa vie, de ses amis, de ses délires... C'est ça qui est dur lorsqu'on rencontre des gens qui ont la vingtaine et qu'on a soi-même la vingtaine. Toutes ces vingts années qui n'ont pas été vécues pareil ne se rattrapperont jamais. Certes, généralement on a parfois écouté, lu et vu les mêmes choses, c'est même souvent ça qui sert de base à une relation d'amitié. Mais quoi qu'on fasse, quoi qu'on se raconte, si on n'a pas connu les mêmes lieux, joué aux mêmes jeux en étant enfant, ça fait une différence qui ne se rattrappera jamais. Ça donne une impression d'avoir loupé plein de rendez-vous antérieur. Un peu une nostalgie d'évènements qui n'ont jamais eu lieu. C'est pour ça que les amis d'enfance sont si privilégiés. Quelqu'un qu'on a connu gamin et qu'on ne quitte pas en grandissant. C'est une relation qui est impossible à égaler pour les amis qu'on rencontre, disons après le collège. « Meilleur ami », c'est un lien qui se crée tellement tôt que le fait qu'il perdure une fois adulte (et une fois que généralement les voies des études séparent les êtres liés) est une preuve de son importance. Ça fait aussi réfléchir à sa propre vie. Quelqu'un qui nous ressemble autant est arrivé plus loin, a fait des choses qu'on a jamais osé. Qu'est-ce qu'elle a fait de plus que moi pour arriver à ça aujourd'hui, alors que moi je n'en suis jamais parvenu ? Avec ça vous pouvez remettre en cause les établissements scolaires fréquentés, mais également les activités extra-scolaires... Petite précision en apparté, moi, je suis content de ma vie, j'en suis arrivé à ce que je voulais car j'ai reçu une éducation formidable et j'en remercie mes parents ! J'ai pas mal dévié de mon propos. Donc revenons-en au fait. Je vois des gens parler de leur vie, ressasser les situations où je n'étais pas. Et ce qui me fait vraiment peur, c'est de ne pas trouver de place dans l'existence de quelqu'un quand je veux trouver ma place chez cette personne. Oui, vous n'avez jamais eu l'impression que certaines personnes avaient une vie qui semblaient saturée, et n'étaient pas prêt à adopter une personne supplémentaire dans leur vie ? Entre le petit copain, la confidente, le meilleur ami, l'alter égo, la muse, le catalyseur, le cousain et même le pire ennemi... On dirait qu'il y a un nombre limité de postes à pourvoir et que les premiers arrivés ont rafflé toutes ces places. Et des fois j'ai l'impression que personne n'a prévu de place pour une Fleur des Champs Ça me fait mal à la tête tous ces titres. Heureusement que je ne fonctionne pas comme ça. Je sais que j'aime tous mes amis différemment mais sans faire de podium ou mettre un titre à tous. Ou alors les titres ce serait (et je ne vais pas tous les citer) « Le chanteur enchanteur plein de cicatrices mais avec qui il y a tout le temps des échanges dégoulinants de bonheur » ou bien « La poéte mélancolique que j'ai l'impression d'avoir connu dans une vie antérieure tellement je me sens en phase avec elle, que ça m'attriste de voir blasée et de qui je serais encore follement amoureux si je n'avais aucune retenue et si j'ignorais que ça ne pouvait que me faire souffrir d'avantage », ou « L'homme que j'admire et qui est comme une sorte de mentor pour moi, qui a un univers que j'affectionne énormément - pas seulement pour les consoles - et qui ne mérite pas ce qu'il se prend dans la gueule tellement il est bon », ou « Le génie textuel, ancien camarade de scène, qui est un vrai personnage burlesque sous lequel se cache une âme noble et amoureuse, et avec qui je correspond régulièrement par e-mail depuis qu'il a traversé la manche » ou bien encore « Le musicien fou de l'Irlande avec qui je ne passe pas autant de temps que je voudrais mais qui est l'archétype de l'ami fidèle avec qui on passe toujours du bon temps ». C'est très large et il y en a de nouveaux qui se créent toujours au fil du temps (même si ils ne font que très rarement partie de ceux que je compte sur les doigts d'une main comme ceux que je viens de citer). Et je me dis que même si je n'ai fait le chemin depuis l'enfance avec eux, il nous reste quand même de belles ballades à faire dans le futur... Et après tout, c'est ça le plus important. Passer du temps ensemble. Rire de souvenirs et en créer d'autre en même temps, quand on passe des moments ensemble, plutôt que faire des plans sur la comète. Pour la suite ? Ah, il me faut une ligne directrice. Jetons un coup d'œil sur L'Écume des Jours de Boris Vian...
Je voudrais être amoureux, dit Colin. Tu voudrais être amoureux. Il voudrait idem (être amoureux). Nous, vous, voudrions, voudriez être. Ils voudraient également tomber amoureux...
Est-ce que je veux tomber amoureux ? Je ne crois pas, ça fait trop mal. Et pourtant...